Nous le savons tous pour le vivre chaque jour, le confinement met à rude épreuve notre solidarité et fragilise nos liens sociaux... Mais ce n'est pas une raison pour cesser d'agir auprès des publics les plus vulnérables, bien au contraire !
A la Cloche, bénévoles avec ou sans domicile & commerçants continuent d'agir au quotidien ; portraits de ceux qui s'engagent pendant cette période :
Junior, bénévole à la Cloche Paris :
Junior a 30 ans et a connu une situation de rue pendant 1 an. Il a découvert l'association la Cloche par Pauline, coordinatrice terrain à Paris. Elle a insisté sur le fait qu’on “change le regard sur les personnes à la rue”, ce qui lui a donné envie de s'engager dans l'association.
“Ce qui m’a touché à la Cloche, c’est le regard qu’elle a porté sur moi, c’est ce qui m’a permis de me dire je vais le faire à 100% [...], ce regard était un regard vrai, un regard humaniste !”
Il a fait sa 1ère rencontre de rue avec l'association en septembre 2019 et, est devenu depuis référent Rencontres de rue : c'est lui qui les organise, échange avec les bénévoles et les forme.
Depuis le début du confinement, il habite dans le 13ème arrondissement de Paris. Il se rend tous les midis à une église proche qui organise des distributions alimentaires pour les plus démunis.
Il en profite pour récupérer des gourdes qu'il compte distribuer après le confinement, pendant les rencontres de rue avec la Cloche.
Cet engagement le tient à coeur car "il y a des personnes qui ont un logement, qui arrivent à être dans un milieu sain, propre, il y en a d’autres qui sont dehors...”
L'important pour lui est de “redonner de l’espoir à ceux qui n’ont plus d’amour" car "c’est dur de se lever le matin dehors et de se dire qu’est ce que je vais manger ? Ca peut créer un moral bas, un déséquilibre.”
Cette crise met en lumière des incohérences et souligne les inégalités, "des personnes sont vraiment malades et sont invisibles". Pour autant, la crise "nous ramène au principe du respect, de l’autre et de soi-même. C’est le moment de revenir à des principes, des valeurs humaines”.
C'est ainsi qu'on voit de nombreuses initiatives citoyennes apparaître un peu partout, les associations de terrain adapter leurs actions et de manière générale un élan de solidarité se mettre en place.
Sébastien, bénévole à la Cloche Bordeaux :
Sébastien est bénévole à la Croix-Rouge depuis 5 ans. Il y est entré en tant que "maraudeur" mais est aussi passé par le pôle Jeunesse qui organise les événements.
Il a découvert la Cloche lors de ses débuts sur Bordeaux. Les deux associations travaillant dans le même domaine, il lui semblait "logique" de s'engager avec la Cloche. C'est "intéressant avec la Cloche car c'est une autre approche. Toutes les approches sont complémentaires : la Croix-Rouge c'est plus de l’orientation et la Cloche des actions variées”. L'important étant de “garder le lien avec ce public en situation de précarité”.
Il se sent relativement peu impacté par le confinement car il a la chance de pouvoir télétravailler et “ça [lui] a permis de ralentir, ça permet de se poser un peu, on n'a pas le choix”. Mais il nuance toutefois ses propos : “les actions [de terrain] qu’on ne peut pas mener c’est frustrant”.
Pour autant, il continue de s'engager auprès de la Croix-Rouge et a réalisé récemment une maraude pour distribuer des denrées alimentaires. Des précautions ont été prises : un véhicule plus grand pour limiter les risques de transmission entre passagers, "des gants, masques, du gel hydroalcoolique et même parfois des visières".
Son engagement ne faiblit pas “tout simplement car [il est] conscient que le public en précarité est vraiment très impacté parce que ce qui se passe” et qu' “ ils [les personnes sans domicile] ne seront pas ceux qui seront élus pour la réanimation malheureusement ”...
A l'annonce du confinement, “mes 1ères craintes étaient le manque alimentaire, ma 2ème le manque de lien social” C’est ainsi qu’il dit regretter que la Cloche n’ait pas développé des actions de distributions alimentaires : “je pense qu’on aurait mieux pu s’adapter en faisant des maraudes alimentaires [...], surtout que beaucoup de structures sont fermées.”
La distribution alimentaire aurait en effet pu “être un prétexte pour rentrer en lien avec quelqu'un” mais le manque de moyens matériels (masques, gants…) et les risques sanitaire élevés auprès de ces publics, ont poussé la Cloche à cesser ses activités de terrain, ce qu’il comprend en partie.
Dominique, commerçant du réseau Carillon à Nantes :
Dominique a une cinquantaine d’année et tient un café-concert depuis 5 ans à Nantes : le Rouge Mécanique. Il y organise très régulièrement des activités et des concerts : du théâtre, des slams, des animations, des soirées débats… C’est un lieu de rencontres et d’échanges qui se veut culturel et social.
Il a entendu parler du Carillon via le collectif Bar-Bars et c’était pour lui logique de rejoindre le réseau et de proposer des services gratuits aux plus démunis et de mettre en place les cafés suspendus dans son bar (le client paie 2 cafés, en boit 1 et offre l’autre à une personne dans le besoin qui pourra venir le consommer quand elle le souhaite dans le bar).
Le COVID-19 a évidemment énormément d’impact sur Dominique et la vie de son commerce. Il doit s’organiser pour “trouver des aides et bloquer les charges” : en somme essayer de sauver son commerce de cette période très incertaine…
A l’annonce du confinement, il a très rapidement pensé aux plus précaires : “ce sont des personnes qu’on oublie vite, dès le début je me suis dit ça va être chaud pour les personnes à la rue”. Ayant un peu plus de temps libre, il a donc décidé de continuer son engagement auprès de ce public mais d’une autre manière. Il a participé à une distribution alimentaire au Wattignies Social Club et est sur liste pour en réaliser des nouvelles. Il est plutôt satisfait de la réaction des associations et des pouvoirs publics face à cette crise : “j’ai l’impression que les pouvoirs publics, à Nantes, sont derrière”. Mais il nuance ses propos “il y a ceux qui aident vraiment et les autres”.
Sur la question du lien social pendant le confinement, il pense qu’il est trop tôt pour conclure pour le moment mais “espère que les gens vont se recentrer sur l’essentiel” et précise : “moi ça me recentre sur ma famille”.
Cédric, bénévole à la Cloche Île-de-France :
Cédric a vécu de nombreuses années sans logement et connaît donc bien les problématiques d’isolement de la rue. Depuis que sa situation s’est améliorée, il a décidé de s’engager dans une association qui défend ce qui était le plus important pour lui quand il était à la rue “être considéré comme quelqu’un de normal” et “retrouver du lien social”.
Il a connu le réseau du Carillon lorsqu’il était à Lille et ainsi rejoint l’équipe des bénévoles de la Cloche en janvier dernier.
Il vit aujourd’hui dans une structure dans le 93.
A l’annonce du confinement, la situation est devenue tout de suite plus complexe : “on a quelques personnes qui sont bloquées à l’extérieur et qui galèrent dehors”. Impossible également pour lui de continuer ses actions avec la Cloche ou d’autres associations : “on m’a dit non pour m’investir à la croix rouge, au samu social”.
Il a donc du réinventer des manières d’agir auprès des personnes en situation de précarité : “quand on sort, on a un camp de migrant à côté je peux me permettre de temps en temps de déposer un petit repas ou café”.
Suite à un surplus de commandes de repas dans sa structure, il a très rapidement réagi et contacté des associations pour organiser des récupérations et redistributions de ces repas aux plus précaires. Enfin, il a mis en place une récolte de fonds au sein de cette même structure pour les redistribuer à la fondation Abbé Pierre et soutenir, à sa manière, les actions envers les personnes sans domicile le temps du confinement.
“Même si je ne peux pas continuer de m’engager avec la Cloche pendant cette période, ça m’a permis de sortir de ma tête et de me dire que je peux aussi continuer d’agir”
Quand je l’interroge sur la question du lien social pendant cette crise, il est catégorique : “elle ne coupe pas le lien, au contraire, [...] une nouvelle manière de faire du lien social, une nouvelle solidarité s’est mise en place”.
Pendant le COVID-19, “les sdf ne sont pas oubliés, les exclus habituels ne sont pas oubliés”, cette crise au contraire, “a mis en avant la solidarité dont peuvent faire preuve les gens”.
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